La merde précieuse, je ne la retiens pas, m’en débarrasse plus que je ne la dépense, pour mieux en manquer, pour mieux me lamenter d’en être privé, pour mieux entretenir l’empire que je veux qu’elle exerce sur mon pouvoir et mon désir.
J’accorde une importance démesurée, inversement proportionnelle à ce pour quoi je prétends la tenir, c’est à dire un objet méprisable, qui ne serait bon que pour les abrutis qui la flattent sans la critiquer. Je la critique, à bon droit, certes, mais ne la flatte pas moins, en lui cédant sur ma vie l’exercice de sa tyrannie. Pour compenser l’action que je lui laisse, je me flatte de n’être pas dupe de sa logique dégueulasse, imaginaire jouissif qui me fait préférer demeurer l’esclave de ce maître salace.
Cette merde quantitative, dont je veux être privé, conserve ainsi son satané pouvoir, et je m’interdis, non sans plaisir, la liberté de m’en affranchir.
De quoi me flatté-je d’être le soumis complaisant ? À quoi se complait ma misère et ma prison ? De ma probité, les gages manquent de sagesse, si ma supposée vertu fait de moi le guignol d’une horrible maîtresse, m’empêche la liberté de désirer autre chose que l’empire de ses méfaits, pour pouvoir jouir de la mépriser.
L’objet ainsi étrangement fantasmé ne l’est qu’en raison de son absence de qualité. Cette merde, si précieuse à mes fantasmes, est nommée communément : argent.