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Tu as certainement beaucoup manqué. D’argent, de shoots, de Nike, d’amour ou de plats sur la table. C’est très certainement profondément injuste. Ton voisin mieux loti, mieux loti selon un certain point de vue — le tien —, ne rentrait peut-être pas plus de shoots, mais, pour le reste, te semblait en tous points mieux pourvu. A quoi ça tient une surdétermination inconsciente qui te fera faire de ce rival le mauvais objet de ta frustration, la cause de tes tracas, la cristallisation sur laquelle ton aveuglement sans retour s’appuie ?

Il te fallait mettre en œuvre les moyens pour que cette injustice soit réparée au plus vite. Ça n’a pas trainé. L’action de ton envie (puisque c’est bien de cela qu’il s’agit) t’a fait gonfler tes muscles, tes stats, ton compte en banque. Avec ce message adressé en sous-texte aux spectateurs ébahis de ta réussite, sur laquelle personne ne pariait, qu’il n’y a rien de plus désirable que d’être parvenu. Un fantasme que tu incarnes, de cette paire de Jordan à tes textes virulents en passant par l’imagerie glorifiée de vendeur de drogue ou de gangster de vidéoclip dont tu te targues et que tu médiatises — en option, l’achat de clics sur Youtube, que des Bengladi entassés dans un hangar et payés quelques centimes par jour se crèveront à exécuter pour ta gloire factice —, prétendant, du seul fait de ton supposé charisme, être en mesure d’attraper n’importe quel cul dont tu t’imagines entendre l’appel, les culs en question étant jetables et de fait, jetés, sitôt consommés.

Bravo.

Cet opium que tu vends à tes fans et à tes clients — certes, avec leur consentement, aussi éclairé que le pot d’échappement de ton 4X4 —, quoique tu puisses opérer comme procédé malhonnête avec ta conscience pour te persuader du contraire, ils le payent. Triplement. Avec leur argent ; avec l’idée, entretenue par toi et tes pairs, que le seul modèle viable pour eux est de te copier ; avec leur santé mentale et physique ; avec leur vie (la drogue n’est, dans le meilleur des cas, que l’occasion d’un délire passager ; dans les autres, la maladie, la folie sans retour, la mort, à petit feu où violemment. L’autre face de tes textes ne cesse d’évoquer ces drames, et d’autres).

À ce point vient une question que tu ne pourras plus éluder : « De qui te moques-tu ? ». A peu près de toutes et de tous, de toi-même y compris, bien que tu t’échines à ne pas le voir. Tu comprendras qu’il ne reste pas d’autre choix que d’en rire. Ou pas.

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