Parmi les gens argentés, beaucoup passent leur temps à se complaire dans un ennui profond et une misère spirituelle terrible. Ceux-là sont affreusement tristes et désespérés. Ils s’efforcent de se cacher leur état en dépensant vainement et en se droguant beaucoup. Ils se croient vivants parce qu’ils se noient dans des émois sentimentaux pathétiques et se rassurent quant à leur importance en parlant de leurs morbides affaires comme si il s’agissait de belles pensées.
Rien ne leur importe tant que le statut social de leurs interlocuteurs. Puissent ces derniers, se disent-ils, adouber leurs vanités sociales, mousser leurs égos, flatter leurs portefeuilles, en échange de quoi ils se feront un sacerdoce de leur renvoyer l’ascenseur. À la mesure des intérêts narcissiques, économiques et sociaux qu’ils croient obtenir.
A contrario, ils aiment se distinguer de celles et ceux dont ils estiment n’avoir rien à tirer en les négligeant, avec une morgue grossière. Ils postulent que ces indésirables les envient et cherchent à les approcher dans l’idée de leur soutirer un peu de leurs capitaux sociaux et économiques. Ils ne peuvent concevoir qu’il n’en soit rien.
Le malheur est que ce mode d’être-là soit aussi désormais celui de nombreux membres des classes laborieuses : chacune de leurs relations est évaluée en fonction des intérêts personnels qu’ils s’imaginent pouvoir en obtenir. Les injonctions à la réussite financière, à la « bonne réputation » et à la visibilité les ont convertis à n’envisager la vie que comme un négoce de dupes permanent, dont l’objet est d’améliorer son statut.